
Céline a toujours aimé écrire. Nantaise d’origine, c’est en Australie qu’elle a concrétisé son rêve : écrire un polar. Elle nous parle de son parcours, de ses inspirations, de son premier roman Special K. et de sa découverte du monde de l’auto-édition.
RDV Australie : Bonjour Céline de Roany, vous vivez en Australie depuis plusieurs années, comment êtes-vous arrivée ici ?
C.D.R. : Mon mari est franco-australien. Quand je l’ai rencontré, il avait déjà vécu plusieurs années en Australie et avait obtenu la nationalité australienne. Cependant, nous vivions ensemble en Europe depuis plusieurs années, y avons eu trois enfants, construit nos carrières professionnelles et je n’étais jamais allée dans ce pays dont il me parlait tant.
Après de nombreux déménagements en France mais aussi ailleurs en Europe, nous avons tous les deux eu envie de changer de vie, ou plutôt d’environnement. Mon mari avait créé son entreprise et pouvait continuer son activité depuis n’importe où. Il rêvait de nous faire découvrir son deuxième pays. Partir vivre en Australie nous est alors apparu comme une évidence, et un véritable projet pour les enfants.
D’ailleurs, à notre arrivée à Sydney, en 2014, ils ont intégré un Intensive English Center. Ils ont tout de suite adoré. Nous avons tous reçu un super accueil, et ça a été déterminant dans notre choix de nous installer en Australie.
[Les Intensive English Center (IECs) sont des établissements qui dispensent des cours d’anglais intensifs aux personnes nouvellement arrivées en Australie et dont l’anglais n’est pas la première langue, N.D.L.R.].
Special K. est en vente depuis le 7 juin 2019. C’est votre premier roman. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire ? Quel est votre parcours ?
C.D.R. : J’ai toujours aimé les histoires. J’ai toujours eu envie d’écrire. À 11 ans, j’étais fan de Alice Détective et j’ai écrit ma première fan-fiction. Mes parents m’ont laissé une grande liberté quant au choix de mes lectures. Je lisais (presque) tout, même si je ne comprenais pas tout, comme ce fut le cas pour Anna Karenine de Tolstoï.
Puis, comme j’étais bonne en maths, j’ai poursuivi des études scientifiques. Les études littéraires étaient malheureusement moins valorisées. J’ai même été jusqu’à faire une année de médecine. Puis je me suis orientée vers le droit, et j’ai écrit une thèse.
À 20 ans, j’ai commencé à lire mes premiers polars. J’ai recommencé à écrire mais sans succès, j’écrivais, puis j’étais bloquée.
J’ai continué à travailler comme professeur de droit à la fac, puis directrice financière pour la société de mon mari. J’y ai appris le métier d’expert comptable, sur le tas, parce qu’il le fallait. Je n’avais plus trop le temps d’écrire.
Entre temps, j’ai fait un bilan de compétence à Brest. À la vue des résultats, mon interlocuteur m’a conseillé de me lancer dans l’écriture ! Comme quoi, ça a toujours été là dans ma vie.
Plus tard, alors que les enfants faisaient l’école à la maison, j’ai commencé à écrire un blog. J’ai notamment écrit un article pour démanteler les préjugés sur la socialisation des enfants non scolarisés. Le retour a été énorme suite à cet article. J’ai même été conviée à intervenir lors d’une projection du film Être et Devenir. C’est un film documentaire de Clara Bellar (2016) sur la confiance en l’enfant et son développement, les apprentissages et les choix possibles. J’ai poursuivi ce blog pendant 3 ou 4 ans, il était devenu une référence. Ça m’a beaucoup encouragée à continuer à écrire.
Comment vous êtes-vous alors lancée dans l’écriture de ce roman ?
C.D.R. : Quand je suis arrivée en Australie, j’ai commencé à me lever tôt, et à profiter de l’énergie matinale comme le font beaucoup d’Australiens. J’ai lu Miracle Morning [Best seller de Hal Elrod sur le développement personnel, N.D.L.R.] qui a été une grande source d’inspiration.
“J’ai lu 30 min chaque jour pour apprendre quelque chose de nouveau”
C’est en suivant cette bonne pratique que j’ai commencé à lire des bouquins sur les techniques d’écriture et découvert qu’on peut apprendre à écrire des romans ! J’ai pris des notes, j’ai progressé en anglais. Et j’ai aussi appris qu’on pouvait s’auto-éditer ! C’est ainsi que je me suis lancée, en appliquant les techniques apprises dans ces lectures.
Des conseils pour nos lecteurs qui voudraient apprendre à écrire ?
C.D.R. : Bien sûr ! Les livres qui m’ont aidé :
Pourquoi avoir choisi le genre policier ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
C.D.R. : Tout simplement car c’est ce que je préfère lire. J’aime le mystère et les résolutions d’enquête. J’adore les romans d’Elizabeth George, de PD James, de Val Mc Dermid, ou de Tess Gerritsen.
Que des autrices ! Les personnages féminins de votre livre ont des postes importants dans la société et ont tous un rôle majeur dans l’intrigue. Considérez-vous que votre roman soit féministe ?
C.D.R : En quelque sorte oui. J’ai voulu faire passer différents messages à travers cette histoire. Que ce soit défendre les droits LGBT ou les droits des femmes. Special K. dénonce les violences faites aux femmes, sujet plus que jamais d’actualité. J’ai voulu montrer que les réactions face à un traumatisme peuvent être différentes d’une femme à l’autre. Et montrer comment on surmonte tout ça.
En apparence, Special K. est un polar classique, mais je l’ai voulu tortueux, que le lecteur se fasse prendre au jeu des apparences et des faux-semblants. Ce n’est pas forcément perceptible par les lecteurs mais ça donne de l’épaisseur au livre. C’est une démarche volontaire de ma part.
Comment avez-vous imaginé l’intrigue ?
C.D.R. : J’ai tout simplement utilisé un Plot generator sur Internet. En gros, c’est une application qui génère automatiquement une intrigue. Ça m’a permis d’avoir le point de départ. Je me souviens, pour Special K., j’ai étoffé mon intrigue à partir de ce que le générateur avait sorti :
“Une vieille dame se suicide et laisse sa fortune à un inconnu”
Comment avez-vous choisi le lieu et les personnages ?
C.D.R. : L’histoire se passe à Nantes. C’est mon lieu de naissance et c’est là que j’ai grandi. C’était plus facile pour moi de me projeter dans une ville que je connais bien, et surtout que j’aime. Étant en Australie, il était parfois difficile de visualiser les endroits. Lors d’un retour à Nantes, je suis allée prendre des photos – partout – pour que je puisse décrire les lieux le plus précisément possible. Le Foyer dans lequel se déroule un partie de l’histoire existe vraiment à Nantes.
Pour ce qui est du reste, j’ai appliqué les techniques que j’ai apprises dans les bouquins. Même pour les personnages, il y a des techniques de création de personnages !
D’ailleurs, au début, mon intrigue était beaucoup plus étendue que celle du livre final. Il y avait trop de personnages. J’ai du retirer une partie de l’histoire.
Votre héroïne s’appelle Céleste Ibar. Avez-vous été inspirée par la comédienne australienne Celeste Barber ?
C.D.R. : Pas du tout ! Je ne la connaissais même pas ! Pour ce qui est de mon personnage, c’est Celeste de la série américaine Big Little Lies qui m’a inspiré ce prénom.
En revanche, cette série est tirée du roman éponyme de Liane Moriarty qui est australienne ! Et en y pensant, le personnage de Celeste y est interprété par Nicole Kidman, également australienne !
L’un de vos personnages travaille pour la biscuiterie ‘Arnotte’. Ce nom n’est pas sans rappeler la célèbre marque de biscuits australienne ‘Arnott’s’. Est-ce un clin d’œil à l’Australie ?
C.D.R. : Bien vu ! En effet, je m’en suis inspirée ! Mais c’est le seul lien que j’ai fait avec l’Australie dans Special K. Par contre, j’ai déjà dans l’idée de faire venir Celeste en Australie dans une prochaine aventure.
Vous écrivez donc un nouveau roman ?
C.D.R. : Oui et j’en suis à peu près à la moitié. J’ai conservé le personnage principal, Celeste. J’ai déjà imaginé mon intrigue, l’histoire se déroulera à Guérande et à La Baule. L’Australie sera pour un troisième opus !
Combien de temps vous a pris l’écriture de Special K. ?
C.D.R. : Je dirai que ça m’a pris deux ans. J’ai commencé début 2017. Mais je n’ai pas écrit régulièrement. Au début, j’ai écrit 50 pages que j’ai soumises à ma sœur et une amie éditrice, pour avoir deux regards différents et intransigeants. J’ai eu de bons retours sur le début de mon histoire.
Alors j’ai continué et j’ai construit mon intrigue au fur et à mesure. J’ai continué à apprendre et j’ai appris à déconstruire. On a fait énormément d’aller/retour ! Au final, j’ai quand même retiré 300 pages !
“ Écrire c’est un peu comme cuisiner ”
Pour écrire, il existe différentes techniques au même titre que des recettes ou des méthodes de préparation différentes. On apprend les techniques et on les modifie à sa sauce !
Votre livre est publié en français, comment avez-vous fait pour l’éditer depuis l’Australie ?
C.D.R. : J’ai choisi l’auto-édition, service proposé par Amazon. J’ai songé à faire appel à une maison d’édition en France bien sûr mais le processus aurait été très long. L’auto-édition, c’est pratique et ça va vite. Grâce à Amazon, on peut transformer son ouvrage en e-book (livre électronique) ou en livre broché. Par contre, il faut faire tout le travail que ferait une maison d’édition soi-même : corriger, trouver le titre, faire la couverture du livre, choisir un prix de vente et des distributeurs. C’était intéressant, ça m’a permis de maîtriser tout le processus, de l’écriture jusqu’à la vente.
Concrètement, comment cela se passe-t-il ?
C.D.R. : C’est très simple. Il suffit d’avoir son livre au format Word. Il faut le corriger bien sûr et le mettre en forme. Pour un e-book, il y a peu de mise en forme, Amazon propose une application qui transforme le document Word directement en e-book.
Pour le livre broché, Amazon a développé l’impression à la demande. Chaque livre est imprimé lorsqu’il est commandé, ça évite d’avoir des stocks. Et pour avoir un beau livre, il faut penser à la couverture. Ça a été un gros morceau pour moi. Heureusement Amazon propose aussi des outils pour dimensionner l’image de la couverture. Par exemple, il a fallu calculer l’épaisseur de la tranche en fonction du nombre de pages.
Pour ce qui est de l’image de couverture, j’ai tout fait moi-même à l’aide du logiciel Photoshop. Il m’a fallu ensuite y intégrer le titre, le numéro ISBN [International Standard Book Number, numéro unique identifiant chaque livre, N.D.L.R.] et le prix.
Fixer le prix est un exercice difficile. La réglementation française impose le prix unique, donc il ne faut pas se tromper !
J’imagine que l’auto-édition a tout de même un coût. Est-ce intéressant financièrement ?
C.D.R. : Amazon se rémunère évidemment sur le prix de vente du livre. Pour les livres brochés, ceux qui sont donc imprimés, je récupère 60 % du prix de vente HT minoré du coût de l’impression (environ 30% du prix du livre dans mon cas). Pour les e-books, je touche 70 %.
Dans une maison d’édition, l’auteur perçoit seulement entre 5 et 10 % du prix de vente hors taxe.
La contrepartie c’est que le marché de l’auto-édition en France est peu connu. Les auteurs auto-édités ne sont pas considérés. Donc il faut faire énormément de promotion pour arriver à vendre un minimum de livres.
Comment faites-vous alors pour assurer la promotion de votre livre depuis l’Australie?
C.D.R. : Je suis très active sur Facebook, notamment dans des groupes de lecteurs de polars. J’écris beaucoup de critiques de polars. Avoir un œil critique sur les autres auteurs est important. Ça m’a permis d’attirer l’attention, et de faire connaître mon livre. Sur le groupe Facebook Mordus de Thriller (30 000 membres), une modératrice a été intriguée par mes critiques qu’elle trouvait exigeantes, et elle a lu mon livre puis l’a critiqué à son tour sur ce groupe. Ça m’a apporté une grande visibilité. Sinon, il est difficile d’être lu lorsque l’on n’est pas connu, et dans l’ensemble l’auto-édition n’est pas encore très qualitative, ce qui n’aide pas.
J’utilise aussi le site SimplementPro qui offre un service de presse gratuitement. J’ai envoyé mon livre à des blogueurs critiques de polars, mais je n’ai pas eu beaucoup de retours à ce jour.
En tant que Nantaise, j’ai écrit à Presse Océan qui a publié un article sur la sortie du livre. J’ai aussi contacté les librairies de la région, mais j’ai rapidement constaté une ostracisation des auteurs auto-édités, une défiance vis-à-vis d’Amazon. Et ça, je l’avais sous-estimé.
Je me suis également inscrite sur un réseau de libraires indépendants, et grâce au service Ediweb, je reçois via Internet toutes les commandes des libraires. Dans ce cas, ce n’est plus Amazon qui imprime le livre, je fais appel à Ingramspark.
Dernièrement, j’ai utilisé la publicité sponsorisée d’Amazon, qui permet de gagner en visibilité. Mais chaque clic me coûte. Pour le moment, ça m’a tout de même permis de vendre 8 livres électroniques. Ca m’a coûté 8,40 € mais permis de générer 22,64 € de recettes. Opération gagnante.
Avez-vous le projet de faire traduire Special K. en anglais ?
C.D.R. : Non. Il faudrait que je fasse appel à un traducteur professionnel. Pour l’instant, c’est trop cher.
Quel bilan faites-vous de cette expérience ?
C.D.R. : J’ai beaucoup appris sur tout le processus, de l’écriture jusqu’à la promotion, j’ai tout fait seule. J’ai découvert le monde de l’auto-édition, j’ai réalisé que c’était beaucoup plus développé dans les pays anglo-saxons qu’en France.
Sur le plan des ventes, j’ai finalement peu vendu d’exemplaires papier, beaucoup plus d’e-books. Grâce à l’abonnement Kindle unlimited d’Amazon, j’ai aussi bénéficié d’une bonne visibilité auprès des lecteurs de livres électroniques.
Au total, 8 mois après la publication, j’ai vendu 529 livres, dont 89 % en version électronique et 93 % de ces ventes ont eu lieu par Amazon. Ça m’a rapporté à peu près 1350 € jusqu’à présent, que j’ai réinvesti en partie dans mon site (hébergement, design, nom de domaine), dans les logiciels d’écriture, la promotion (livres papier envoyés à quelques influenceurs) et les inscriptions diverses (réseau de distributeurs en librairies en France et Ingramspark).
Pour le prochain roman, je passerai sans doute par une maison d’édition pour vendre plus d’exemplaires papier.
Mon meilleur bilan est celui d’avoir réalisé un rêve d’enfant. J’ai vécu cette expérience comme un accomplissement personnel :
“Avoir écrit au moins un roman dans ma vie”
Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs qui souhaiteraient écrire un livre ?
C.D.R. : Tout simplement se lancer. La courbe de progression exponentielle.
Quel est votre prochain RENDEZ-VOUS ?
C.D.R. : Je profite d’être à Brisbane pour aller prendre un café avec une amie qui habite ici.
Pour se procurer Special K., Rendez-Vous :
Sur Amazon : ici
Chez les libraires indépendants : ici
Pour retrouver Céline de Roany, Rendez-Vous :
Sur son site : ici
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