Le café, histoire d’une obsession australienne

Le café en Australie

En Australie, il y a les kangourous, les surfers et le café. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le café est une affaire sérieuse dans ce pays. Selon une étude de l’entreprise américaine Square, parue en 2019, l’industrie du café en Australie représenterait 8 milliards de dollars et près de 2 milliards de bénéfices. Si les chiffres sont pharaoniques, ils trouvent leur origine dans une obsession collective entretenue depuis les années 1950. La ville de Melbourne s’enorgueillit d’ailleurs d’être la capitale internationale du café. Les Australiens se pressent tous les jours au café du coin pour leur dose quotidienne. Une habitude culturelle que Rendez-Vous Australie a décryptée.

Une histoire « caféinée »

C’est au début du XVIIe siècle que les marchands vénitiens introduisent le café en Europe. Moins de deux siècles plus tard, il est introduit en Australie. Depuis, cette boisson chaude a conquis les Australiens. À tel point qu’aujourd’hui, il y aurait plus de 20 000 coffee shops dans le pays. Des lieux devenus incontournables dans la vie des Australiens. Ils s’y retrouvent quotidiennement pour des réunions d’affaires, entretiens d’embauche, rencards et rendez-vous entre amis. Un succès lié aux vagues migratoires que connaît l’Australie depuis plus de deux cents ans.

Le café est arrivé en Australie avec le premier convoi de colons

Étonnamment, on trouve du café en Australie depuis aussi longtemps que les Britanniques ont pris possession du pays. Pendant leur arrêt à Rio de Janeiro, les membres de la First Fleet (nom donné au premier envoi de colons anglais dans la colonie australienne en 1788) en auraient profité pour emporter avec eux une sélection de plants de café et de graines à cultiver en Australie. Les semis auraient été plantés autour de Government House à Sydney. Mais comme pour beaucoup de cultures introduites, ils n’auraient pas réussi à prospérer. En outre, les Anglais sont restés très attachés à leur boisson favorite, le thé. Il faudra donc attendre plus d’un siècle et une nouvelle vague de migrants pour que le café prenne son essor.

L’influence des Européens dans les années 1930

L’Australie connaît dans les années 1930 un afflux important de nouveaux migrants en provenance d’Europe. Parmi eux, de nombreux Italiens, Grecs, Turcs et Hongrois.  Les valises chargées de rêves mais surtout d’habitudes, ils emportent leurs moulins et machines à café ! C’est d’ailleurs en 1928, à Melbourne, que l’on trouve la toute première machine à espresso commerciale. Les gens se pressent dans le Café Florentino de Bourke Street pour admirer l’engin et savourer un authentique café.  

Café Florentino Melbourne
Café Florentino, Melbourne, circa 1932.

Très vite, les coffee shops ne cessent d’apparaître là où ces communautés se rassemblent. Des générations se succèdent derrière les comptoirs. Les lieux deviennent incontournables et l’on aime s’y retrouver. On rivalise d’ingéniosité et d’originalité pour rendre son café encore plus unique. On crée de nouveaux mélanges et de nouvelles méthodes d’extraction. Les amateurs deviennent de plus en plus exigeants.

La seconde guerre mondiale et la consécration du café

Pendant la seconde guerre mondiale, l’Australie, s’oppose une nouvelle fois à l’Allemagne et au Japon. Le drame de Pearl Harbor précipite l’envoi massif de troupes américaines dans le Pacifique. Des millions de soldats transiteront en Australie et plus d’un million y séjourneront entre 1942 et 1945. Apportant aussi avec eux leur nourriture et leurs boissons préférées, dont le café.

Soldats américains buvant du café
Soldats américains en Australie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le pays, qui ne compte que sept millions d’habitants en 1939, fournit un effort considérable pour restaurer les GI. La presse publie même des articles sur la préparation du café selon les standards américains. La population australienne apprend à torréfier et moudre les grains différemment. En parallèle, les importations de thé se faisant plus rares, les Australiens commencent à boire toujours plus de café. Une consommation exponentielle qui ne cessera pas après le départ des Américains. Aujourd’hui, les Australiens sont obsédés par le café et en consommeraient plus de 2 kilos par an et par personne.

Le café et les particularités australiennes

Commander un café en Australie, pour les débutants, est une véritable épreuve ! Un peu d’entraînement s’impose. Surtout pour les francophones que nous sommes ! Il faut d’abord maîtriser son sujet avant de s’aventurer au comptoir du café du coin. Car rien de plus stressant que de choisir sa boisson devant une file de quinze personnes, dans une langue étrangère que l’on ne parle pas toujours très bien.

Les types de café en Australie

Les Australiens sont obsédés par leur café ou plutôt par leurs cafés ! Et le mot est faible lorsque l’on se penche sur le nombre de cafés qu’ils savent préparer. Parmi leurs favoris, on en dénombre au moins huit : latte, flat white, cappuccino, long black, espresso, chai, mocha, piccolo. Chacun ayant sa particularité : une dose d’espresso par-ci, un nuage de lait par-là, etc. Les recettes varient. Toujours selon Square, 27 % des Australiens ont un faible pour le latte (une dose d’expresso sur laquelle on verse du lait chauffé à la vapeur et une mousse de lait). S’en suit de près le flat white, un subtil mélange d’espresso et de lait chauffé et moussé différemment. 

Et si les Français sont connus pour tremper leurs lèvres dans le vin dès leur plus jeune âge, sachez que les Australiens font de même avec le café. Ainsi, il n’est pas rare de trouver des babyccino. Rassurez-vous, il s’agit ici plus d’un concept marketing que d’un breuvage caféiné pour les bébés. Il s’agit simplement de lait parsemé de chocolat en poudre pour les enfants. Les tout-petits adorent ! Cela marche tellement bien qu’ils ont aussi inventé le puppycino. Une boisson destinée aux chiens ! Ou plutôt, une mini dose de crème fouettée servie dans un gobelet en carton. Un vrai régal pour nos amis canins. 

Enfin, si vous prenez votre café avec du lait, il faudra vous décider sur le type de lait que vous souhaitez : full, low fat, skinny, lactose free, soy, rice, almond, oat, etc. C’est assez déroutant les premières fois. À cela, il faut aussi déterminer la quantité : small, regular, large, extra large. Les prix varient entre 3 et 6 dollars. Selon Square, en 2019 les cafés les plus chers sont servis dans l’État du Territoire du Nord, où il faut compter en moyenne 4,50 dollars pour un small latte. 

Barista, un vrai savoir-faire

Vous l’aurez compris, faire du café en Australie ne s’improvise pas. Les recettes s’étant complexifiées au fil du temps, préparer cette boisson est devenu un métier à part entière. En Australie, ces « barmen » du café sont appelés baristas. Le mot barista est italien et désigne une personne servant tout type de boisson derrière un bar. Les Australiens ont emprunté le terme et l’ont quelque peu modifié. Il indique en effet une personne sachant préparer les cafés. 

Baristas en Australie
Baristas en Australie.

De nos jours, les baristas sont très recherchés. La plupart d’entre eux ont suivi une formation avant d’être embauchés. Car, comme des barmen ou sommeliers, les baristas doivent maîtriser l’art de servir le café ou encore le moussage du lait. Ils connaissent ses variétés, le processus de torréfaction et d’extraction. Ils savent utiliser les machines et les entretenir. Ces formations durent de quelques heures à quelques jours. 

Mais, comme partout, les bons baristas se distinguent par la pratique et leur expérience est cruciale. Les Australiens aiment leurs baristas et leur sont fidèles pendant des années. Les bons baristas connaissent leurs clients par leurs prénoms, leur heure d’arrivée et s’adaptent aux goûts de chacun. Certains clients n’hésitant pas à changer de café lorsque le barista attitré quitte les lieux définitivement.  

L’échec de Starbucks en Australie

La passion australienne pour le café n’est pas attribuée à l’expansion des grandes enseignes internationales, mais plutôt aux immigrants européens arrivés au début des années 1930. Selon les statistiques officielles, environ 95 % des points de vente de cafés (coffee shops) en Australie sont indépendants. Bien qu’il existe quelques chaînes dans les villes australiennes, elles ne représentent que 5 % du marché total

L’enseigne Starbucks, par exemple, ne compte plus que 39 points de vente à travers le pays. Huit ans après son lancement en 2000, Starbucks dû fermer plus des deux tiers de ses magasins. Il était tout simplement trop difficile pour la marque de s’implanter dans le pays où la culture du café était déjà établie.

Outre leur attachement prononcé pour leurs baristas dont ils reconnaissent leur savoir-faire, les Australiens affichent une préférence nationale. Sans doute ici le fruit d’un patriotisme affirmé et d’un protectionnisme exacerbé. Ils préfèrent, en général, les petits indépendants aux grandes chaînes étrangères.

 L’Australie, productrice de café

Fait peu connu, l’Australie cultive depuis plus de 200 ans ses propres grains d’arabica. On trouve ainsi des plantations de café dans l’extrême nord du Queensland et également dans la zone subtropicale de la Nouvelle-Galles du Sud. Le climat chaud et la présence de pierre volcanique sont des conditions favorables pour la croissance et l’épanouissement des plants de café. Mais cette production est longtemps restée dans l’ombre. Les coûts de production élevés et la Grande Dépression ont paralysé cette industrie à l’époque. 

Plantation de café dans le Queensland
Plantation de café, Kuranda, Queensland, circa 1900.

Depuis les années 1980, on observe une résurgence de la production locale. Selon AgriFutures, une agence gouvernementale, le pays compte une cinquantaine de productions commerciales et une multitude de petits producteurs. 50 % de la production australienne est destinée à l’export et au marché haut de gamme. Aujourd’hui, de plus en plus de producteurs se tournent vers une production bio, facilitée par un climat propice et l’absence de maladie et de parasites sur les plants. Un atout considérable alors que l’industrie mondiale tend à répondre aux préoccupations éthiques des consommateurs.

L’arabica australien est également reconnu pour son arôme complexe, sa faible amertume et sa douceur naturelle. Cela s’explique par le climat subtropical des régions où il est cultivé : une fraîcheur intermittente, l’absence d’excès de chaleur et d’humidité. Ces conditions en font un café d’exception.

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