Les Intranquilles : un vrai beau moment de cinéma

Les Intranquilles (The Restless) est au programme de la première édition de l’Europa Film Festival – qui se terminera ce week-end à Melbourne et Sydney. On vous en dit plus sur ce film de Joachim Lafosse avec Leïla Bekhti.

Leïla dort sur la plage, toute entière abandonnée à son sommeil, dans la lumière déclinante d’un après-midi estival. Au loin, son mari Damien et leur fils Amine se baignent dans une mer d’huile avant de rejoindre un bateau à moteur ancré à proximité. Mais cette scène de carte postale s’effrite déjà quand l’inexplicable inconséquence de Damien jette une ombre sur cette idyllique journée en famille.

La scène est posée. Damien et Leïla, un couple amoureux, leur fils, une belle maison loin des laideurs de la vie citadine, de beaux métiers. Leïla restore des meubles qu’elle revend aux antiquaires ou clients de passage. Damien peint. Il passe ses nuits dans son atelier à produire toile après toile, dans une boulimie créatrice sans fond. Ses insomnies nocturnes débordent sur ses jours, sur sa famille, sur Leïla, qui s’épuise à tenir leurs vies à bout de bras, à rafistoler leur quotidien comme les meubles cassés ou trop usés qui remplissent son atelier.

Les Intranquilles détourne le mythe de l’artiste dévoré par sa passion pour s’affronter au thème moins glamour mais plus essentiel de la maladie mentale. Loin des grands discours, Joachim Lafosse dresse le portrait d’une famille sous l’emprise de ce démon invisible, incontrôlable, qu’est la bipolarité. Par petites touches, tel un tableau en train de se faire, imparfait, intranquille, il nous fait entrer dans le quotidien de ce couple qui se déchire à force d’amour pour l’un et l’autre, et pour l’enfant à protéger. Damien se débat, entre culpabilité, médicaments, colère, ressentiment et rage de vivre. Leïla, héroïne silencieuse, sacrifiée, assume le rôle ingrat celle qui dit non à ceux qu’elle aime pour les protéger d’eux-mêmes.

L’esthétique indiscutablement picturale de la photographie de Jean-François Hensgens fait écho à l’œuvre du personnage de Damien sans jamais tomber dans le piège de l’esthétisme. Plus qu’un portrait, le film se présente tel un paysage de cette famille dans la tourmente et des êtres qu’il emporte dans leur sillage. Damien Bonnard est très convaincant en père de famille dévoué et à la dérive. Mais c’est Leïla Bekhti qui, comme à son habitude, crève l’écran, vole chaque plan, sans effort ni fioriture. Confondante d’humilité, apparemment dénuée de toute conscience d’elle-même, elle est cette femme qui s’oublie pour mieux servir les autres. A ses côtés, le jeune Gabriel Merz Chammah, dans le rôle d’Amine, offre ici l’une des plus subtiles performances d’enfants jamais données à voir sur grand écran.

Dans toute son imperfection, et ses quelques scènes parfois illustratives, Les Intranquilles est un vrai beau moment de cinéma, servi par de très grands acteurs.

Les Intranquilles
Un film de Joachim Lafosse

Retrouvez toutes les informations sur le site du Festival.



Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*