Élections des conseillers des Français de l’étranger : rencontre avec Jean-Philippe Grange

Jean-Philippe Grange

Conseiller des Français de l’Étranger depuis 2014, Jean-Philippe Grange se présentera à nouveau aux prochaines élections.  Après des études à Sciences Po Grenoble, l’élu fait carrière dans le conseil en commerce international et veille stratégique. Père de famille, l’Isérois suit son épouse franco-australienne et s’installe à Sydney en 1998. En 2007, il développe sa propre entreprise. Il rejoint, dès son arrivée en Australie, l’association Français du monde à laquelle il participe activement. Au contact de ses compatriotes, il prend très vite conscience de certaines problématiques. Dès lors, il souhaite y trouver des solutions. En 2014, le rôle de conseiller consulaire est créé [nouvellement renommé conseiller des Français de l’Étranger, N.D.L.R]. Une fonction qui s’inscrit naturellement dans la démarche du quinquagénaire très impliqué dans la vie associative locale.

Homme de convictions, le candidat d’Ensemble, Citoyens et Solidaires ! assume pleinement ses sensibilités politiques et celles de son équipe. La liste qu’il conduit est soutenue par l’association Français du monde, qui rassemble « tous les Français qui, hors de France, partagent les idéaux et les valeurs de justice sociale, de pluralisme, et de solidarité » et par le parti d’Europe Écologie-Les Verts. Une équipe qui revendique une action s’inscrivant dans « une démarche humaniste, solidaire et écologique ».  Alors que le vote en ligne pour les citoyens français vient de débuter, la rédaction de Rendez-Vous Australie a recueilli ses propos par téléphone.

RDV Australie : À la veille des élections, quel bilan faites-vous de votre premier mandat ?

Jean-Philippe Grange : La dernière fois que nous avons été appelés à élire des représentants locaux en Australie, à Fidji et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, c’était en 2014 à l’issue de la réforme de la représentation des Français établis hors de France qui a créé les conseils consulaires, qui seront donc renouvelés pour la première fois ces jours-ci. 

Il s’agissait alors d’une avancée importante pour la communauté française à l’étranger dans son lien avec la France. Comme je le dis souvent, nous avons « essuyé les plâtres » à l’époque, et ce dispositif a plutôt bien fonctionné. Si l’on fait un petit peu de benchmarking [analyse comparative en français, N.D.L.R] sur le sujet, on se rendra vite compte que nous avons un modèle assez unique de représentation locale à l’étranger par rapport aux autres pays. C’est un acquis et c’est pourquoi nous devons voter en nombre, et appeler à voter, entre le 21 et le 26 mai en ligne et le 30 mai à l’urne, à cette élection consulaire.

Mais des améliorations sont nécessaires. Notamment pour permettre une meilleure visibilité du dispositif et de la fonction de conseiller des Français de l’Étranger, qui reste encore trop peu connue par la communauté française. 

C’est un mandat qui demande un fort engagement personnel. C’est une fonction exigeante, bénévole et parfois frustrante car au-delà des moyens d’actions il y a aussi la taille de notre circonscription. Nous sommes un peu l’équivalent des conseillers municipaux, mais les habitants de notre commune se trouvent sur un continent entier, auxquels il faut ajouter nos compatriotes à Fidji et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. 

Élu de terrain en Australie et comme membre de l’Assemblée des Français de l’étranger, à la place qui est la mienne, et malgré ces contraintes, je me suis autant battu pour débloquer des situations individuelles que pour empêcher le recul de nos droits collectifs. J’espère avoir fait de mon mieux… 

Quelles sont les préoccupations de vos compatriotes ? 

Jean-Philippe Grange : Dans l’exercice de ce mandat, au fil de mes rencontres et à l’écoute de la communauté française, de nombreux sujets ont été au centre de mon action citoyenne : l’éducation et les établissements scolaires de notre circonscription, la défense du service public, toujours plus menacé à l’étranger, le réseau associatif, la culture, la francophonie, le rôle des entrepreneurs et des entreprises individuelles détenues par des Français vivant à l’étranger, ou encore le lien avec nos compatriotes retraités et anciens combattants. 

Aujourd’hui, les préoccupations de nos compatriotes sont multiples, et nous avons d’ailleurs placé nombre d’entre elles au cœur de notre campagne et de notre projet : rester en contact avec son pays d’origine, pouvoir retrouver les siens au plus vite, s’épanouir en expatriation dans une démarche individuelle ou en famille, étudier, se former, faire reconnaître son diplôme, travailler, entreprendre en Australie, mais aussi accéder le plus largement possible à la culture, à l’enseignement en français et à la langue françaises pour nous et nos enfants…

Créer, animer et développer une association ou se sensibiliser à l’éco-citoyenneté et à la nécessité d’une transformation de nos modes de vie, notamment par la promotion des principes de l’économie sociale et solidaire sont aussi des sujets importants dans la communauté. 

Enfin, pouvoir s’appuyer sur un réseau de contacts solidaires en cas de difficultés financières ou administratives ou lutter contre son isolement, notamment comme retraités vivant à l’étranger sont d’autres préoccupations bien présentes.

Sont-elles les mêmes dans toute l’Australie ?

Jean-Philippe Grange : Oui et non. D’abord nous avons de nombreuses préoccupations communes, comme toutes celles que je viens de citer, que l’on habite à Cairns ou à Hobart, à St Kilda ou à Perth, à Sydney ou à Adélaïde.

En revanche, la taille de notre pays de résidence, les périodes difficiles que nous pouvons traverser, la fracture numérique qui peut exister dans la communauté française donne un sens différent à certaines de nos préoccupations, à certains contextes. Par exemple, vivre à 1500 km du consulat général de France ce n’est pas la même chose qu’à quelques stations de métro ! 

L’importance de services publiques consulaires forts, dotés de moyens accrus, est plus que jamais d’actualité.    

Sur quel réseau appuyez-vous vos actions ?

Jean-Philippe Grange : Essentiellement sur l’association Français du monde dont je suis membre depuis 1998, date de mon arrivée en Australie. Présente dans le monde entier avec une centaine de sections, et reconnue d’utilité publique, son siège est situé à Paris et je suis l’un des membres de son conseil d’administration depuis 2019. 

En Australie, nous avons un groupe de membres et de sympathisants, binationaux et résidents permanents vivant de longue date dans le pays, animés par leur attachement à la France et la convivialité des rencontres avec leurs compatriotes. Nous avons aussi un réseau d’ami⸱e⸱s impliqué⸱e⸱s dans un grand nombres d’activités professionnelles, associatives, militantes… À l’image de mes colistières et de mes colistiers, ce sont des gens qui vivent au quotidien – depuis plusieurs décennies pour certains d’entre eux – ce que signifie « une vie entre la France et son pays de résidence », dans les bons moments comme dans les passages plus difficiles.

Chez Ensemble, Citoyens et Solidaires !, nous sommes entrepreneur⸱e⸱s, consultant⸱e⸱s, enseignant⸱e⸱s, avocat⸱e⸱s, retraité⸱e⸱s … Nous sommes également impliqués à des titres divers sur un grand nombre de sujets : le développement de l’entrepreneuriat français en Australie, le développement durable, l’égalité femme – homme, notamment dans le monde de l’entreprise, les droits de l’homme, le droit du travail, l’enseignement français et à la langue française à l’étranger, l’égalité des droits et la lutte contre les discriminations, les personnes ayant choisi de prendre leur retraite à l’étranger, le volontariat international en entreprise, l’accueil des jeunes Français, en particulier sur visas étudiant et vacances-travail, le handicap et les besoins particuliers des Français de la circonscription.

Vos colistiers et vous-même êtes basés en Nouvelle-Galles du Sud et dans le Victoria. Comment faites-vous pour rester proches de vos concitoyens résidant dans les autres États ?

Jean-Philippe Grange : Ce n’est pas facile en effet, car cette circonscription est immense et il est vrai qu’environ un tiers de nos compatriotes résident en dehors de la Nouvelles-Galles du Sud (NSW) et du Victoria. Bien entendu, la composition de notre liste ne reflète pas notre niveau de contact dans les États et Territoires où nous n’avons pas de colistières ou de colistiers, c’est une évidence ! Mais je pourrais vous faire une confidence : nous avons des ami⸱e⸱s un peu partout… Avec qui nous nous entretenons régulièrement pour faire le point sur les situations locales.

En réalité, voilà ce qui a présidé à la composition de notre liste : nous n’avons pas voulu créer un groupe de circonstance, uniquement réuni le temps d’une élection. Notre liste est plutôt le prolongement logique de l’engagement d’un collectif qui fonctionne bien ensemble et depuis un bon moment. Vous l’aurez compris, ce n’est pas par un manque de respect pour les communautés de certains États que nous avons constitué notre liste de la sorte, mais plutôt par un acte qui privilégie l’expérience d’un groupe au service de nos compatriotes. Charge à nous, à l’âge des téléconférences sur le net, de servir les Français où qu’ils se trouvent, en restant proches d’eux malgré les distances. Il se peut même que nous prenions l’avion ! [Rires]

 « Nous rencontrer, participer, s’impliquer, nous rejoindre ! ». Ce n’est pas un slogan pour quelques semaines de campagne électorale ! Quelles que soient les distances qui séparent les communautés françaises dans cette vaste circonscription continentale, nos compatriotes pourront compter sur ma détermination et celle de notre équipe Ensemble, Citoyens et Solidaires ! pour renforcer cet échange, comprendre leurs attentes et agir à leurs côtés.

Jean-Philippe Grange entouré d’une partie des colistiers d’Ensemble, Citoyens et Solidaires !

Vous évoquez dans votre communication des valeurs progressistes. Quelles sont-elles ?

Jean-Philippe Grange : Mes sept années d’engagement, d’investissement personnel, d’échanges, de travail collectif, m’ont permis de défendre les valeurs pour lesquelles je me suis engagé : pour plus de justice sociale, d’équité et de solidarité, avec au cœur la volonté d’un progrès pour tous dans notre communauté. 

L’aboutissement de cette nouvelle phase, c’est Ensemble, Citoyens et Solidaires !, une équipe expérimentée inscrivant son action dans une démarche humaniste, solidaire et écologiste. Ces valeurs sont portées par notre équipe : par nos histoires, nos expériences professionnelles, nos engagements associatifs ou politiques, mais aussi à travers nos passions, nos mobilisations, nous contribuons toutes et tous à un collectif qui a la solidarité et la justice sociale au cœur.

Ces valeurs sont portées par notre équipe : par nos histoires, nos expériences professionnelles, nos engagements associatifs ou politiques, mais aussi à travers nos passions, nos mobilisations, nous contribuons toutes et tous à un collectif qui a la solidarité et la justice sociale au cœur.

Notre démarche affiche clairement ses positions et ses soutiens, dont les noms apparaîtront d’ailleurs sur nos bulletins de vote : l’association Français du monde et Europe Écologie – Les Verts.

Je note que ce n’est pas le cas des quatre autres listes en présence. Elles ont toutes des affiliations politiques, au demeurant très proches quand on y regarde de plus près, mais elles ne les laissent paraître. Plus que quelques jours de campagne pour en parler !

Français du monde rassemble depuis 1980 tous les Français qui, hors de France, partagent les idéaux et les valeurs de justice sociale, de pluralisme, de tolérance, de démocratie, de solidarité. Elle ne dépend d’aucun parti politique mais revendique son appartenance à la grande famille de la gauche. Nous sommes très fiers, avec Caroline Brunel et toute l’équipe, d’enrichir cette diversité avec le mouvement écologiste. Les choses sont posées : faites-nous confiance pour faire entendre une autre voix au conseil consulaire.

Si loin de la France, pourquoi est-il important que les candidats mentionnent leur affiliation à un parti politique ?

Jean-Philippe Grange : Cela me semble en effet relever de la transparence devant les électeurs. 

Bien qu’ils vivent en Australie, les citoyens français disposent d’une représentation parlementaire, avec un représentant à l’Assemblée Nationale élu au moment des élections législatives et 12 sénateurs des Français établis hors de France. Ces 12 sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par des grands électeurs qui sont justement les conseillers des Français de l’étranger. 

Or députés et sénateurs participent au travail législatif – le vote des lois – et au travail de contrôle du Gouvernement français. Ils votent en particulier le budget de l’État et notamment les budgets qui concernent directement les Français de l’étranger. Au-delà des débats politiques, ces votes sur les budgets constituent des moments de vérité puisqu’ils concernent le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, le financement des consulats…

Pour résumer, ils concernent les financements de tout ce qui a pour objet de fournir aux Français établis ou de passage hors de France des services essentiels. Outre son rôle d’élu local, le conseiller des Français de l’Étranger a donc un rôle politique puisqu’il contribue à élire ces parlementaires qui ont un impact direct sur les orientations politiques du pays et la manière dont l’argent public, au final, est utilisé… ou pas ! 

Dans ce contexte, il est difficile de se revendiquer apolitique dans le cadre d’une campagne, ou de déclarer haut et fort qu’on ne fera pas de politique dans les fonctions que nous occuperons si nous sommes élu⸱e⸱s. Ce n’est tout simplement pas exact. J’invite donc nos compatriotes à se renseigner démocratiquement sur les positions des uns et des autres avant de voter. Les nôtres sont claires !

Si vous êtes réélu, quels seront les dossiers prioritaires sur lesquels vous travaillerez ?

Jean-Philippe Grange : Nous travaillerons sur la base d’un programme d’actions concrètes, qui est le reflet de nos valeurs, de nos engagements de terrain mais aussi de l’expérience que nous avons acquise. Il a été rédigé par les membres de notre équipe sur la base de leurs connaissances spécifiques, mais il est aussi le fruit des contributions remontées pendant cette campagne participative par de nombreuses personnes ! Au total, sur la base des nombreux sujets qui nous animent et nous tiennent à cœur, nous avons développé 40 engagements dans 9 domaines principaux. J’invite chacune et chacun à consulter ce document sur notre site Internet.  

Il est question de la promotion de solutions d’enseignement en français, de solidarité, d’actions et de protection sociales, de défense des services publics consulaires, de soutien aux associations françaises, de promotion d’initiatives tournées vers l’écologie et l’économie sociale et solidaire. Il est question d’égalité devant l’impôt, de sécurité, d’information et de démocratie locale…

J’en profite pour signaler à nos compatriotes que s’ils nous accordent leur confiance, nous exercerons notre mandat en valorisant la démocratie participative. C’est-à-dire en poursuivant notre démarche de campagne de ces derniers mois qui a souhaité inviter la communauté française à partager avec nous ses attentes et ses propositions. L’objectif : venir enrichir notre action collective, nos mobilisations et l’exercice de notre mandat pendant toute sa durée.

Quel a été le moment le plus marquant de votre mandat ?

Jean-Philippe Grange : Je pourrais répondre un peu facilement que la toute première réunion du nouveau conseil consulaire, aux lendemains des élections, était fondatrice dans la mesure où cette fonction d’élu consulaire venait d’être créée et que nous venions juste d’être élus. C’était à la fois symbolique et important. Mais votre question est difficile ! 

En sept ans, de nombreux moments forts nous auront marqués sur des plans très divers. De la première visite d’un président de la République française en Australie en 2014, à ces moments chargés d’émotions lors des rassemblements spontanés « Je suis Charlie », ou de nos recueillements à la suite des attentats de Paris en 2015 et de Nice en 2016.  Je pense aussi aux campagnes « Merci Down Under » et « Merci Australie » lors des commémorations autour du centenaire de la Grande Guerre ; aux 120 ans de l’Alliance Française de Sydney, aux 50 ans du lycée Condorcet de Sydney, à tous ces moments partagés de convivialité, notamment à l’occasion des célébrations de notre fête nationale et sur les marchés français à travers le pays. 

Et puis il y a ces épreuves récentes, inédites par leurs ampleurs : la terrible « saison » des incendies en 2019-2020 et, depuis plus d’un an, cet éloignement de nos familles, cette interminable crise pandémique qui touche tant de nos proches en Europe et dans le monde et qui a conduit nos concitoyens du Victoria dans cette épreuve de confinement prolongé l’année dernière… 

En un sens, voilà ce qui aura été le plus marquant pour moi dans ce mandat d’élu local : ces crises que nous vivons en tant que Français de l’étranger doivent nous faire prendre conscience de l’urgence d’une autre approche face au changement climatique et à l’impact de la destruction accélérée des habitats sauvages combinée à une mondialisation bien insuffisamment régulée. Il faut agir dans nos vies quotidiennes comme dans nos choix politiques pour faire réellement bouger les choses. 

Ces crises nous rappellent aussi ce qui est essentiel pour nous, Français de l’étranger : l’importance de services publiques consulaires forts, l’importance d’un réseau de solidarités familiales, amicales et associatives bien établi et l’importance d’élus de proximité, vos conseillers des Français de l’Étranger, au service des communautés françaises. Tous ces sujets sont au cœur  de notre campagne et de nos propositions.

Quel est votre prochain RDV ?

Jean-Philippe Grange : Ce sera avec nos compatriotes à l’occasion de ce moment important de participation citoyenne et de démocratie locale que représentent ces élections consulaires ! La mobilisation citoyenne au moment des scrutins est particulièrement importante.

Pour résoudre les problèmes, trouver des solutions adaptées, orienter les gens vers la bonne porte, le bon contact, les élus doivent être des porte-voix. Une participation la plus forte possible au scrutin les 21-26 mai et 30 mai pourra renforcer la légitimité et le pouvoir d’interpellation des élu.e.s ! Plus que quelques jours de campagne et un vote en ligne qui démarre… Aux Urnes Citoyens !

>>> Pour suivre l’actualité de Jean-Philippe Grange, rendez-vous sur www.ensemble-australie.org ou sur leur page Facebook EnsembleAustralie.

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