
À l’occasion de la fête nationale du Québec, Rendez-Vous Australie revient sur la déportation de 58 Québécois sur l’île-continent. Un fait de l’histoire qui laissera sa trace en Australie. Canada Bay, Exile Bay, France Bay, Marceau Drive… Autant de lieux baptisés en mémoire des exilés canadiens, ces illustres « rebelles » de la démocratie. Retour sur l’exil des patriotes du Bas-Canada en Australie.
La Rébellion des patriotes du Bas-Canada
En 1763, le Traité de Paris met fin à la guerre de Sept ans. Le royaume de France se voit alors contraint de céder une partie de son empire colonial, dont le Canada, à l’Angleterre. Dès 1791, la province de Québec se retrouve divisée en deux colonies distinctes : le Haut-Canada (l’actuel Ontario), principalement peuplé de loyalistes anglophones, et le Bas-Canada (l’actuel Québec), majoritairement francophone et catholique.
Très vite, de nombreuses inégalités politiques et économiques apparaissent entre les deux colonies. Les Canadiens français sont particulièrement affectés par la suprématie britannique et souhaitent des réformes constitutionnelles qui seront totalement ignorées. Ce qui conduit le Parti patriote et ses partisans à se rebeller en 1837. On parle dès lors de la Rébellion de 1837.
Les représailles seront sévères. Beaucoup sont faits prisonniers et sont sommairement jugés pour haute-trahison. Vingt-neuf hommes seront exécutés par pendaison. Mais ces méthodes sont vivement critiquées par l’opinion publique et le gouverneur de l’époque se résout à exiler le reste des prisonniers à l’autre bout du monde : en Australie.
L’exil canadien de 1840
En septembre 1839, 150 rebelles dont 58 Canadiens français embarquent de force sur le HMS Buffalo. Ils passeront plus de cinq mois en mer avant d’apercevoir les côtes de la colonie pénitentiaire qu’est l’Australie. Un premier groupe, composé uniquement d’insurgés anglophones, est débarqué à Hobart, en Tasmanie, le 15 février 1840. Puis, dix jours plus tard, les Canadiens français toucheront terre à Bayview Park. Ils seront emprisonnés à Longbottom (actuel stade Concord Oval), à proximité de Parramatta Road à Sydney.
Malgré des conditions de vie difficiles, les exilés canadiens s’adaptent et se comportent de manière exemplaire. Ils recevront, tout au long de leur captivité, la visite et le soutien de Monseigneur Polding et du Père John Brady, tous deux francophones. Les deux hommes d’Église plaideront ardemment en faveur de la libération des forçats qui leur sera accordée en 1842. À partir de 1843, tous seront graciés et pourront regagner le Canada en hommes libres.

Parmi les patriotes, 55 feront le chemin du retour, deux d’entre eux ayant trouvé la mort peu de temps après leur arrivée en Australie. Enfin, un seul homme, Joseph Marceau, s’établira définitivement à Dapto, non loin de Wollongong, en Nouvelle-Galles du Sud, après avoir épousé Mary Barett. Ensemble, ils auront onze enfants et de nombreux petits-enfants, qui ne cesseront de raconter l’histoire de leur ancêtre canadien.
Une reconnaissance nationale
De leur captivité, restent des noms bien connus des habitants de Sydney : Canada Bay, Exile Bay, France Bay, Marceau Drive. En 1970, le Premier ministre canadien Pierre Trudeau viendra honorer la mémoire des Patriotes et apposer une plaque commémorative à Cabarita Park. Celle-ci sera déplacée en 1984 à Bayview Park où ils furent débarqués.

Aujourd’hui, on peut y lire l’inscription suivante : « Cinquante-huit Canadiens francophones qui avaient participé à la rébellion de 1837-1838 dans le Bas-Canada, ont été incarcérés du 11 mars 1840 au mois de novembre 1842, tout près d’ici, à la prison de Longbottom, avant d’être libérés conditionnellement, puis graciés et autorisés à rentrer au Canada. Les noms d’Exile Bay, de France Bay et de Canada Bay rappellent leur séjour dans la région de Parramatta.
De même, quatre-vingt-douze Canadiens anglophones, arrêtés dans le Haut-Canada en 1838, avaient été exilés à la terre de Van Diemen. Les mesures adoptées par suite des rébellions dans les deux Canada ont marqué des étapes importantes de l’évolution du gouvernement responsable et de la démocratie parlementaire au Canada et en Australie.
Cette plaque a été dévoilée le 18 mai 1970 par le très honorable Pierre Elliott Trudeau, Premier ministre du Canada, en commémoration du 130e anniversaire du débarquement des exilés canadiens en Australie et des sacrifices consentis par de nombreux Canadiens et Australiens pour l’avènement d’États autonomes, égaux et libres au sein du Commonwealth ».
Depuis 1982, la Journée nationale des patriotes est officiellement un jour férié et chômé au Québec. Il est célébré le lundi qui précède le 25 mai de chaque année.
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