
Diane. D est une passionnée de la nature, des grands espaces et de la randonnée. En novembre 2019, elle décide de partir en complète autonomie à la conquête de la Tasmanie et de son Overland Track – un trek de 65 km au coeur du Cradle Mountain-Lake St Clair National Park. Elle nous livre son aventure, entre rencontres inoubliables et difficultés surmontées.
RDV Australie : Bonjour Diane, depuis combien d’années vis-tu en Australie ? Quel est ton parcours ?
Diane : Je suis à Sydney depuis avril 2018, mais ce n’est pas ma première fois en Australie ! J’ai eu la chance de venir étudier à Macquarie University pendant un an en 2013. Ce fut mon premier coup de cœur pour ce pays. Après être rentrée en France plusieurs années, avec un passage aux USA et en Allemagne pour mon master, j’ai décidé de revenir ici pour mon stage de fin d’études. J’ai eu l’opportunité de rejoindre une start-up tech australienne, dans laquelle j’évolue depuis maintenant 2 ans.
L’Overland Track en Tasmanie, est-ce ton premier trek en solo ?
Diane : L’Overland Track, c’est mon premier trek en solitaire. J’avais déjà voyagé seule auparavant, notamment en Laponie Suédoise et en Norvège. Cependant, je n’étais jamais partie sur une randonnée de plusieurs jours en solo et en autonomie complète.
Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de faire ce trek en Tasmanie ?
Diane : La rando, c’est une passion que j’ai découverte avec mon papa vers mes 15 ans. Mon père est un grand voyageur. Quand j’étais petite, je le voyais partir pendant plusieurs semaines en Amazonie pour randonner et camper dans la forêt tropicale. Il revenait avec des anecdotes incroyables. Je me rappelle toujours me dire « quand j’aurai 18 ans, moi aussi j’irai en Amazonie ». Alors en attendant l’Amazonie, il m’a emmenée randonner en Europe – la Costa Brava à pieds, la Croatie, Madère… Je parcourais les sentiers avec lui, et ma soif d’aventures grandissait chaque jour.

Je crois que ce que j’ai découvert à travers la marche, c’est la possibilité de sortir de ma zone de confort et de me rapprocher de l’essentiel. Il y a environ cinq ans, j’ai entendu parler pour la première fois du Thru-hiking, ou l’idée de parcourir de bout en bout un sentier de randonnée de longue distance. J’ai longuement lu et écouté les témoignages de ces randonneurs de l’extrême qui parcouraient des milliers de kilomètres pendant des mois en autosuffisance. Sauf qu’aujourd’hui, je ne dispose pas encore des ressources financières ou du temps pour un tel projet. J’ai alors décidé de me lancer, mais à mon échelle, avec l’Overland Track en Tasmanie : une centaine de kilomètres en une semaine, sur un sentier balisé et très bien entretenu. Une baby-step, comme on dit, vers mon objectif de randonnée longue distance.
[Le Thru-hiking est un terme anglais désignant le parcours de bout en bout d’un sentier de randonnée de longue distance. Ce terme est plus souvent associé au Sentier des Appalaches, mais est également utilisé pour d’autres sentiers longs comme le Pacific Crest Trail et le Continental Divide Trail, N.D.L.R]
Pourquoi le faire en solo ?
Diane : Il y a deux raisons ici. La première, c’est que je voyais cela comme un challenge personnel qui me faisait sortir encore un peu plus de ma zone de confort. Je voulais voir comment je pouvais m’en sortir avec ma tente, ma nourriture et mon réchaud pendant une semaine. Si, au-delà de la capacité physique, j’avais le mental pour porter un sac lourd sur des kilomètres, quelle que soit la météo, et sans personne d’autre que ma propre volonté pour m’encourager à continuer.
La deuxième raison, c’est tout simplement que quand tu proposes à tes amis d’aller marcher pendant une semaine en autosuffisance en Tasmanie, les gens trouvent ça incroyable, mais ils préfèrent regarder ta vidéo souvenir que t’accompagner !
Peux-tu nous donner quelques informations générales sur cette randonnée (son prix, les formalités d’inscription…) ?
Diane : En effet, faire l’Overland Track en Tasmanie ça se prépare et bien sûr ça a un coût. Il faut s’assurer qu’en cas de mauvais temps, tous les randonneurs puissent avoir une place dans les huttes. Dans un soucis de préservation de la nature également, le nombre de départ est limité à 40 personnes par jour. Premièrement, tu dois te rendre sur le site et t’assurer qu’il reste de la place pour le jour où tu souhaites débuter la marche. Il faut ensuite réserver ta place en achetant le Overland Track Pass à 200.00 $. Avec ce Pass, il te faudra acheter le Cradle Mountain National Park Pass à environ 30 dollars (sans voiture). Pour ma part, j’ai arrangé un transport entre Launceston et le début du trek. Cette navette m’a également récupérée à la fin pour me ramener sur Hobart avec Overland Track Transport .
Ensuite, il te faut bien sûr t’assurer d’être équipé pour la météo hyper-changeante et instable de la Tasmanie ! Une check-list d’éléments essentiels et obligatoires est fournie par le Visitor Centre en amont. Elle inclut une tente 3 saisons, un sac de couchage minimum – 10 degrés celsius, des vêtements Gore-Tex (oui, de la pluie tu auras…), etc.
En combien de jours as-tu achevé l’Overland Track ?
Diane : J’ai décidé de m’accorder 8 jours pour réaliser cette randonnée. L’Overland Track, c’est un sentier d’environ 65 kilomètres officiellement entre le début et l’arrivée. Si tu ne quittes pas le chemin principal, les gens peuvent le réaliser en 6 jours. Mais la beauté de cette rando est aussi dans ses side-trips. Tous les jours, il est possible de laisser son sac à une bifurcation pour partir explorer un sommet de montagne, un lac en contrebas, des chutes d’eau ou des forêts de pins. Vers la fin du trek, j’ai choisi de passer une nuit à Pine Valley, dans une hutte perdue au fin fond d’une forêt verdoyante. Le must de cette randonnée pour ma part ! Au total, avec toutes les balades annexes, j’ai marché un peu plus de 120 kilomètres.
Comment t’es-tu organisée en amont (équipement, nourriture) ?
Diane : J’ai commencé avec rien, ça on peut le dire ! J’ai fait beaucoup de recherche. Le groupe Facebook des hikers de l’Overland Track m’a énormément aidée à déterminer les indispensables pour cette randonnée. Le challenge de ce trek, c’est la météo. Elle est complètement imprédictible – je suis partie mi novembre, donc à la fin du printemps. On nous annonçait encore beaucoup de neige sur les points élevés du trek. Il fallait donc que je m’équipe pour toutes les saisons, tout en gardant un poids de sac raisonnable pour moi. Car ce sac, il faut le porter pendant 8 jours !
Après avoir établi une checklist complète de l’équipement nécessaire, j’ai emprunté un maximum de choses à mes amis, colocs et collègues, et j’ai acheté le reste. Clairement je n’avais pas l’équipement ultra-light des thru-hikers, j’ai fait avec les moyens du bord et mon budget serré. J’ai fait et refait mon sac environ trois fois en enlevant à chaque fois des éléments qui n’étaient pas complètement indispensables… Mon but : avoir le sac le plus léger possible pour tenir ces 8 jours.
Pour la nourriture, j’ai trouvé des inspirations sur Internet. J’ai préparé exactement la nourriture qu’il me fallait pour chaque jour, en ajoutant une ration pour une journée supplémentaire si jamais je me retrouvais coincée quelque part à cause de la météo. Au petit-déjeuner, c’était des flocons d’avoine avec noix, fruits déshydratés et thé ou café. Pour le déjeuner, je prévoyais un wrap à assembler chaque jour avec cheddar, falafel précuit, tomates séchées et houmous. Pour le dîner, j’ai acheté des repas déshydratés chez Back Country Cuisine pour ne pas devoir réfléchir après une journée de marche ! Et bien sur des snacks : chocolat, barres d’énergie, gâteaux.

Et comment t’es-tu organisée pendant le trek ?
Diane : Pour le trek, j’avais compartimenté mon sac pour que tout soit accessible rapidement, et que je ne perde pas de temps à défaire et refaire mon sac tous les jours. Ma tente, mon sac de couchage et mon tapis de sol étaient accessibles par une poche au fond du sac. Un gain de temps pour m’installer rapidement au lieu de campement le soir. Dans un sac waterproof, je gardais mes vêtements pour la nuit afin de toujours avoir un set de rechange bien sec pour me changer après une longue journée de rando. Aussitôt arrivée au camp, je retirais mes chaussures de marche pour enfiler des sandales toutes légères avec mes chaussettes. La délivrance !
Pour la nourriture j’avais préparé chaque ration pour chaque jour. A chaque camp on trouve un stock d’eau de pluie que l’on peut utiliser pour cuisiner. Pour la boire, il faut avoir un filtre à sa gourde ou des pastilles pour purifier. Pour le coup, pas d’inquiétude à avoir pour l’eau, il y en a énormément tout au long du sentier. Il est interdit de faire des feux à l’extérieur – on cuit avec un petit réchaud à gaz. Pour la toilette, c’est très sommaire – clairement c’est une semaine sans douche. Pour les plus courageux, il est possible de se baigner dans les lacs ou la rivière le long du trek mais l’eau ne dépasse pas les 14 degrés. Par contre on trouve des toilettes sèches à chaque lieu de campement.
La semaine dernière, 6 personnes en hypothermie ont dû être secourues et plus de 30 personnes ont fait demi-tour avant d’arriver au sommet.
Quel a été le plus gros obstacle à surmonter ? La plus grande difficulté ?
Diane : Pour moi, le premier jour a été un vrai challenge. En arrivant au Visitor Center de Cradle Mountain, la visibilité était déjà très mauvaise. Nous n’étions même pas encore en altitude que le vent soufflait déjà suffisamment pour te faire perdre l’équilibre avec un sac de 20 kilos sur le dos. Un crachin breton tombait et je me félicitais déjà d’avoir investi dans une bonne veste de pluie Gore-Tex. En faisant le check-in au départ du Visitor Centre, la ranger nous donne les dernières nouvelles : il y a beaucoup de neige en haut du premier pic de la journée, la visibilité est très mauvaise. La semaine dernière, 6 personnes en hypothermie ont dû être secourues et plus de 30 personnes ont fait demi-tour avant d’arriver au sommet.
Le challenge de la première journée
Décision de dernière minute, je demande à louer un téléphone satellite que je rendrai à la fin du trek. Sur le sentier, aucun réseau ne sera disponible…et si on se retrouve bloqué, notre seul moyen d’appeler des secours sera via ce téléphone satellite.
Un peu rassurée par le fait de détenir un moyen de contacter les secours, je débute ce premier jour de marche sous la pluie. Les premières heures sont très difficiles – mon sac est au maximum de son poids, ça grimpe, il pleut, je n’y vois rien et des vents de 100 km me font tomber plusieurs fois à la renverse. Il ne faut pas longtemps pour que je me dise « qu’est-ce que je fous ici ? » Mais je persévère. Pas à pas, j’arrive au sommet du premier pic. J’y trouve de la neige, je m’enfonce à chaque pas jusqu’aux genoux – toujours avec mes 20 kilos sur le dos. Puis arrive la descente vers la première hutte, dans un chemin boueux, étroit et très raide.
Je glisse, je râle, j’ai froid, je suis couverte de boue… Et deux heures plus tard, je ne vois toujours pas de hutte. Je commence à me dire que je me suis trompée de chemin avec cette visibilité. Lorsqu’un autre randonneur solo arrive soudainement derrière moi et me lance un « Come on, we’re almost there ! ». Ces quelques mots et cet élan de motivation me redonne de l’énergie et 30 minutes plus tard, je vois le toit de la première hutte se profiler à travers les arbres. Je vois de la fumée sortir de la cheminée.
Je passe le pas de la porte et me fait accueillir par une dizaine de marcheurs qui m’applaudissent et s’écartent pour me laisser m’asseoir près du feu qui crépite dans le poêle à charbon. En un instant, j’oublie toutes les galères de cette première journée et découvre pour la première fois ce qui rend les Thru-hikers magiques : les rencontres qu’on y fait.
As-tu eu des surprises pendant le trek ? Des anecdotes à partager ?
Diane : J’ai définitivement été surprise et émerveillée par la variété des paysages que l’on parcourt en seulement 100 kilomètres. On passe de prairies de hautes herbes jaunes avec des wombats qui s’y baladent à des sommets rocheux enneigés ; on traverse des forêts de pins et de mousse qui regorgent de chutes d’eau d’une dizaine de mètres, pour finalement arriver dans des clairières où des wallabies se baladent en toute quiétude.
Pas de bruit de moteurs, un silence pur. Je me perdais dans mes pensées et me sentais tellement seule au monde qu’au troisième jour j’ai sursauté en entendant un bruit de feuilles juste à côté de moi en marchant. Mes yeux ont scruté les arbustes en me demandant quelle créature me guettait de l’autre côté… pour finalement y découvrir un bébé échidné qui farfouillait à la recherche de fourmis et autres insectes. Je me suis approchée doucement en me disant qu’il allait détaler en me voyant… mais non !
Il ne me calculait pas et venait même me renifler pour voir si j’étais moi-même comestible. Je me suis alors rendu compte que si cette petite créature était si peu farouche, c’est tout simplement parce qu’elle ne savait pas ce que j’étais. Cet échidné n’avait jamais connu d’ennemi ou de danger, encore moins d’humain ! Je me suis sentie privilégiée par ce moment de rencontre avec une faune encore si préservée.

Des conseils pour nos lecteurs qui souhaiteraient faire l’Overland Track en Tasmanie ?
Diane : Je pense que cette aventure est accessible à tout le monde, quelque soit votre âge. Il vous faudra une bonne condition physique certes (pas besoin d’être un athlète non plus). L’élément qui vous assurera une expérience réussie et une garantie de terminer ce trek sans encombre, c’est votre équipement. Il est primordial d’avoir en sa possession des vêtements chauds, une bonne tente, un bon sac de couchage et suffisamment de nourriture.
Si vous cherchez une randonnée pour tenter l’expérience du multi-day hiking, alors l’Overland Track en Tasmanie est parfaite. C’est l’une des plus belles marches au monde, elle est bien entretenue et accessible en termes d’effort physique. J’en garde un souvenir exceptionnel et je la recommande à tous les amoureux de la nature et des grands espaces. Ah oui, et ne prenez pas le ferry à la fin. Donnez-vous une journée de plus pour finir le trek en longeant le Lac Saint Clair, c’est magnifique.
Quel bilan fais-tu de cette expérience en solo ?
Diane : C’est assez contradictoire, mais ce que je retiens de cette aventure en solo, c’est avant tout les rencontres que j’ai pu faire. Certes je marchais seule pendant la journée, mais à chaque fin de journée, tout le monde se retrouvait dans les campements et huttes prévus à cet effet.
Au coin du feu, j’ai entendu les histoires incroyables d’autres passionnés de randonnées venus des 4 coins du monde. Comme par exemple cet Allemand qui après avoir monté un business avec succès, a tout laissé derrière lui pour parcourir les plus beaux sentiers du monde avec un sac ultra-light et le strict minimum. Ou bien ce jeune de 17 ans qui finissait le lycée et dont le père l’emmenait dans une aventure dad-son pour fêter ça. Ces deux jeunes retraités qui, passionnés de photographie, ont décidé de se lancer dans un nouveau challenge alors qu’ils n’avaient jamais monté de tente auparavant. Ou cette mamie de 75 ans qu’on a tous applaudie à l’arrivée du trek.
Pendant ces 8 jours, je retrouvais souvent les mêmes personnes tous les soirs et c’est devenu comme une petite famille. On dînait ensemble, on se brossait les dents en regardant le soleil se coucher et on rigolait autour du feu en se racontant nos histoires et secrets.
Terminer cette randonnée en solo m’a aussi donné beaucoup de courage et de détermination. Il m’a fait comprendre que les limites que nous nous imposons peuvent être toujours repoussées davantage.
Diane. D
Quel est ton prochain RENDEZ-VOUS ?
Diane : Je pense que ça sera encore une autre longue randonnée, plus d’une semaine ce coup-ci ! Je veux découvrir la Nouvelle-Zélande et ses Great Walks. Et surtout continuer à préparer une vraie thru-hike. La Patagonie me fait aussi de l’œil avec la nouvelle Ruta de los Parques… A suivre !
Pour suivre les aventures de Diane, Rendez-Vous :
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Pour en savoir plus sur l’Overland Track : c’est ici.
Un autre défi à suivre, celui de David Debrincat et de sa traversée d’est en ouest de l’Australie à pied, en passant par Uluru.
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